Entre
le retour de la jungle ardente et le détour pour la montagne
pluvieuse où j'irai passer les fêtes de Noël, je trouve un créneau
de 3 jours pour aller ouvrir la fameuse highline de Cerro azur (cf
épisode précédent).
Manque de bol lors d'un repas en terrasse, je
me fais voler mon sac avec dedans mon si précieux passeport. Nos
vacances en Colombie avec Maria tombent à l'eau, adieu les caraïbes…
Le temps de préparer les papiers, racheter un sac et tout ce qu'on
m'a volé, je perd une journée pendant laquelle Hugo et un ami percent et installent la ligne. Je les rejoins donc le lendemain, la ligne doit
faire entre 50 et 60 mètres. Je rêve de plus longues et hautes
highlines, mais c'est déjà ça.
Hugo désespère un peu depuis
hier, il n'arrive pas à traverser la moitié. Je viens lui donner un
petit coup de boost en m'y lançant serein.
J'ai
besoin de me lâcher, à part ces moments de slack, je ne fais plus
de sport. Cela me manque beaucoup.
La ligne me semble facile, le
rocher se décroche parfaitement du reste du paysage. Je traverse
d'une traite la ligne et reviens sans me stresser.
Je suis heureux,
j'ai rarement été aussi serein. Je retourne au milieu et commence à m’entraîner aux expos face à l'océan, ça n'est pas encore tout à
fait ça. Mais je m'améliore, me déstresse, baisse les bras, tente
une "bischotterie" ou deux.
Je retente une traversée cette
fois avec de la psytrance sur les oreilles pour faire un peu monter
la pression et me surprend à regarder vers le bas, je me sens comme
transporté, hypnotisé. Je ferme les yeux et enchaîne une dizaine de
pas, avant de les rouvrir rappelé par mon équilibre.
Nous partons
manger un bout (un cebiche, naturellement) et revenons pour la tombée
de la nuit. Hugo enchaîne run sur run jusqu'à la nuit noir. J'ai
toujours eu peur des highlines dans le noir.
Elles ont un côté
étrange, quelque chose d'inexplicable. On ne voit pas le vide, plus
de repères à part cette fine ligne qui finis vers le néant. Cette
aveuglante absence de lumière me perd. Je dois essayer, affronter
cette peur. Avec une musique apaisante sur les oreilles cela me
calmera peut être un peu.
Je me lève doucement, cherche à
l'intérieur de moi pour trouver cette petite chose fragile qu'est
l'équilibre et commence à marcher doucement en hurlant dans les
moment de détresse.
J'ai, pendant cette traversée, senti le temps
ralentir, pensé à milles et une choses. Un phare au loin m'asperge
de lumière à intervalles réguliers. Je le fixe et continue à
lutter. Arriver de l'autre coté, je crie de joie. Je tente le retour
épuisé et traverse avec un catch au milieu. C'est décidé, je vais
appeler cette ligne "el siguiente nivel" (next level).
Le
lendemain on désinstalle et me voilà parti pour Talavera, petite
commune andine.
Ce
fut pour moi un noël hors du commun. A partir du 24 décembre au
soir et pendant 3 jours cette petite ville se transforme.
Cela
commence par une procession regroupant différentes compagnies
déguisées, avec pour chaque déguisement, une danse spécifique.
Ensuite, tout le monde se réunit sur la place du village où chaque
compagnie organise une représentation, un spectacle.
Un soir j'ai eu
la chance de me faire invité dans la bâtisse du "cargo"
(personne qui finance les festivités) pour une fête privé. J'ai pu
y apprendre comment danser, comment boire… Le fait qu'on a pas le
droit de refuser un verre et qu'il faut prévoir bien 1h à l'avance
l'envie de partir qui plus est quand on a un air de "gringo".
J'ai pu croiser bon nombres de sourires, et échanger avec mon
espagnol approximatif de belles discussions alcoolisés.
Le
dernier jour se tient une fête foraine un peu plus loin dans la
ville, le genre de fête foraine des pays du tiers monde. J'apprend
que cette fête est financé par une seul et même personne, et
qu'elle se fait aider par un principe de réciprocité (c'est bien
plus compliqué que ça).
De
retour à Lima pour le nouvel an et pour refaire mon passeport,
j'attend avec un impatience le 11 janvier. Hugo m'a promis un petit
trip avec des potes à Cerro Azul.
Le jour J, nous partons à deux
voitures blindées de planches de surfs, skimboard, matos de slack. On
a l'intention d'installer la highline et la waterline.
J'apprend
qu'un pote à Hugo, Alex a ramener son drone. Arrivé vers 10h, on
accourt installer 50m de waterline pour se chauffer. On enchaîne les
runs, ça reste un vrai plaisir de bouncer en jouant avec les vagues.
Je m’entraîne à marcher les yeux bandés, ils n'ont jamais vu ça.
En
fin de session, la marée est basse, et Hugo se lance sans leash. Si
il chute, il touchera le fond à coup sûr et se fera emporté par le
courant contre les pilonnes.
Tout se passe bien et il traverse sans
trop de difficulté et me compte son expérience de concentration. Je
me laisse aussi tenter, voir si mon cerveau accepte ce genre de
situation, au pire je catcherais...
La première traversée se fait
avec un peu de tremblement, mais je contrôle la chose pour finir les
bras ballants. Au retour, je ne tremble plus et bounce un peu, je me
sens léger.
A
la suite du repas, on court vers la plage pour profiter de la fine
pellicule d'eau déposé par les vagues. Ca doit faire 10 ans que je
n'ai pas touché à une skimboard et ça ne se perd pas. Je m'amuse
comme un pti fous sprintant pour prendre les vagues en back ou
frontside.
Avant la nuit nous montons installer la highline, ça
reste toujours aussi compliqué d'optimiser les opérations avec les
péruviens. Ils ne veulent pas préparer les choses avant de les
faire, en gros "on verra bien". Je m'y habitue doucement.
Nous sommes claqués, on va aller monter les tentes et se coucher.
Là, à nouveau, je suis surpris. Ils veulent aller camper sous le
panneau "interdiction de camper", en 10 minutes on se fait
virer. Mais non ils décident d'aller plus loin toujours dans la
"zone interdite". Une fois le campement organisé, on nous
invite gentiment à partir. Pourquoi sont ils si obstinés? Choc de
culture.
Le
lendemain, je me réveille avec de douloureuses courbatures. 3 mois
quasi sans sport, c'est fatal. Mais, bonne nouvelle, une fois que les
muscles sont chauds on ne sent plus grand chose. Il fait très chaud
aujourd'hui. Il y a, au dessus du Pérou, le plus gros trou dans la
couche d'ozone au monde. Si tu ne mets pas de crème, tu crames
littéralement.
Un peu de surf et de skimboard s'impose pour profiter
de la fraîcheur de l'océan. Vers 13h, on décide d'aller faire un
peu de highline avant qu'Alex ne parte avec le drone. Le soleil est
au plus haut, et il n'y a pas d'ombre. Il faut vite prendre cette
nouvelle sangle en main et faire de belles images. La sangle est
horrible, pas d'élasticité. Elle n'inspire pas confiance avec ses
quelques tonches. Un petit aller/retour et des expos pas très bien
tenu au milieu et je rentre assoiffé.
Le
jour suivant, on désinstalle la highline et on part installer la
sangle d'Hugo dans toute sa longueur, c'est à dire 85 mètres de
nylon. Va falloir tirer dessus pour qu'elle ne touche pas la flotte,
la marée est haute.
Après moulte va et viens pour la tendre et la
retendre, Hugo se lance et touche l'eau à un quart de la sangle. On
recommence, je m'y lance et traverse un peu plus du tiers jusqu'à ce
que les vagues viennent me frapper le talons pour qu'à la 3ième
vague je tombe.
Là,
pendu à mon leash, trois grosses vagues me tire vers le milieu. Je
tente de me relever mais il y a trop de courant pour marcher. Je me
tire de cette situation, exténué.
Hugo tentera de marcher ce
serpent une bonne dizaine de fois pour réussir à marcher le tiers.
Je perd ma motivation de retendre et traverser. On désinstalle,
fatigués, la ligne pour rentrer à Lima.
Le
lendemain, je pars pour Arequipa et pour me diriger doucement vers la
Bolivie. Mon budget se ressert doucement sur moi. Je rentrerais plus
tôt en France, bosser un peu pour pouvoir profiter de mon été tout
en slackant.
En attendant je vous laisse avec une photo prise hier de
l'île de Taquille sur le lac titicaca ou j'ai passé une nuit chez
l'habitant. Je rêve d'y passer mes vieux jours. Il n'y a pas de
route goudronné, pas une voiture. Mais c'est haut quand même, 3990
mètres.
Photos : Quentin Bischoff
Quentin Bischoff
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