Posé dans un champ à Ailefroide, profitant d’une journée de mauvais temps pour me reposer entre deux ascensions dans les Ecrins, je repense à ce projet un peu fou et à toutes ces journées passées en l’air avec des gens passionnés, mobilisant toute leur énergie dans la réalisation de ce rêve.
Et de me demander comment naît une idée? Un projet? Un rêve?
Au
fond je connais la réponse à cette question: pour moi tout commence
fin 2011 quand je tombe sur un film d’à peine une demie heure qui
va pourtant changer profondément ma vie.
On y découvre deux copains suivant leur rêve, marchant sur des sangles tendues au dessus devides immenses dans le Verdon, sautant du haut de falaisesvertigineuses en Norvège, vivant simplement, libre et heureux.
Avant le début du générique de fin, le virus s’était insinué en moi.
On y découvre deux copains suivant leur rêve, marchant sur des sangles tendues au dessus devides immenses dans le Verdon, sautant du haut de falaisesvertigineuses en Norvège, vivant simplement, libre et heureux.
Avant le début du générique de fin, le virus s’était insinué en moi.
Quatre
ans plus tard, je marche sur des sangles haut perchées depuis déjà
quelques temps et je commence à me jeter du haut des plus belles
falaises de France: Verdon, Vercors, Maurienne, Ecrins… le virus
contracté 1460 jours plus tôt s’est bien développé et je
consacre désormais mon temps à l’ascension de magnifiques
sommets, à la traversée de ces sangles, nouvelle forme de
funambulisme appelée slackline, ainsi qu’au BASE jump, version
montagnarde du parachutisme.
C’est
alors que des idées commencent à germer, toujours inspirées par
cette bande d’agités qui s’obstinent à repousser les limites de
ces sports en les mélangeant savamment à l’humour et l’art.
Parmi
ces idées, une me laisse plus souvent éveillé au milieu de la
nuit: et si l’on tendait une slackline entre deux parapentes et que
l’on essayait de la traverser, seulement sécurisé par un
parachute?
Rien de tel qu'un bon dessin bien technique, pour preparer une bonne cascade! |
C’est
le genre de projet qui me fait le plus vibrer, alliant le plus de
discipline possible (slackline, BASE jump et parapente), avec un haut
niveau de technicité (les pilotes de parapentes doivent être
incroyablement précis et le slackliner très doué) et une
coordination parfaite entre tous les protagonistes.
Les
premiers amis parapentistes à qui je parle de cette idée sont tous
unanimes: en terme de mécanique de vol, c’est impossible.
Loin
de me laisser abattre, je continue d’en parler autour de moi,
cherchant des parapentistes susceptibles de croire en ce projet.
Je
finis par en parler à une amie qui me met immédiatement en contact
avec Eliot, excellent pilote de parapente acrobatique, qui monte de
son coté un projet à base de tyroliennes et de pendulaires volant.
Il est immédiatement séduit par l’idée et me propose de le
rejoindre pour monter ensemble ce cocktails de nouvelles idées.
Eliot Nochez (en bleu) et Thibault Cheval fiers comme des coqs de leur projet |
Peu
avant le début de nos premiers essais je passe un coup de téléphone
à celui que je considère comme mon « mentor », tant en
slackline qu’en BASE jump, et qui a l’habitude de ce genre
d’acrobaties pour en avoir déjà réalisé beaucoup.
Il clôt la conversation sur un ton plus que sceptique, disant, comme tous les autres, que c’est mécaniquement impossible.
Conversation immédiatement suivie d’un SMS disant:
Il clôt la conversation sur un ton plus que sceptique, disant, comme tous les autres, que c’est mécaniquement impossible.
Conversation immédiatement suivie d’un SMS disant:
« Prouve
moi que j’ai tort, allez-y à fond! Je paye ma tournée si ça
marche! »
Il n’en fallait pas plus pour finir de me motiver!
Il n’en fallait pas plus pour finir de me motiver!
Julien Millot : « Prouve moi que j’ai tort, allez-y à fond! Je paye ma tournée si ça marche! » |
Vient
le moment de prendre la route jusqu’à Chambéry pour rencontrer
Eliot et les membres de l’équipe. Le
courant passe tout de suite bien, Eliot est une véritable pile,
toujours en mouvement, toujours motivé.
Le
lendemain, après un petit détour par les bureaux de Slack.fr pour
récupérer les différentes sangles, cordes, poulies, mousquetons
qui seront nécessaires à nos cascades respectives, direction le Col
de la Forclaz pour les premiers essais.
Premiers
essais qui seront orientés sur la slackline car c’est elle qui
demande la mise en place la plus complexe.
Le
premier essai n’est pas très concluant. Effectivement une fois la
ligne mise en tension et le slackliner dessus, les parapentes ne
volent pas très bien… Selon Eliot cela vient du fait que les deux
parapentes ne soient pas du même modèle. Le problème est
rapidement réglé lorsque Advance (l'un des sponsors du projet), nous envoi un deuxième parapente,
identique au premier.
Deuxième
essai. C’est mieux, les parapentes sont plus stables, je peux même
essayer de me lever, mais ce n’est pas encore ça…
Sur
les quelques jours de cette première session d’entrainement nous
réaliserons quatre tentatives avec la slackline, peaufinant à
chaque fois la technique, pour qu’au final, au quatrième essai je
réussisse à me lever, à tenir quelques secondes en équilibre
avant de chuter de 500m et de déployer mon parachute.
Du
coté des parapentistes tout va pour le mieux et ils sont plutôt
optimistes: les différents réglages qu’ils ont trouvé leurs
permettent de voler de façon stable tout en maintenant une certaine
tension dans la sangle.
De
mon coté ce n’est pas aussi simple car même si les parapentes
sont stables du point de vue du vol, de mon point de vue cette
stabilité est toute relative car le moindre de leur mouvement se
répercute sur la ligne. De plus, visuellement c’est de loin la
ligne la plus impressionnante que j’ai jamais tenté de traverser.
Imaginez vous à 800m du sol, assis sur une sangle de 2,5cm de large accrochée entre deux parapentes qui avancent à plus de 30km/h, induisant des mouvements complètement imprévisibles dans la slackline.
petit aperçu d'un leash fall en solo |
Imaginez vous à 800m du sol, assis sur une sangle de 2,5cm de large accrochée entre deux parapentes qui avancent à plus de 30km/h, induisant des mouvements complètement imprévisibles dans la slackline.
Vous y
êtes? Très bien.
Maintenant essayez de vous mettre debout et de tenir en équilibre !
Maintenant essayez de vous mettre debout et de tenir en équilibre !
Un
long travail, à la fois technique et mental, m’attend…
Avec
le planning d’entrainement des parapentistes et le fait que je me
sois blessé en montagne, nous mettrons plus d’un mois et demi à
revenir essayer de réaliser tous ces projets.
Cette
fois, rendez-vous aux Saisies, station de ski du Beaufortain qui nous
offre un terrain plus propice à la mise en place de nos acrobaties,
notamment en terme de hauteur. Et pour ne rien gâcher le Mont Blanc
sera notre toile de fond.
Pour
des raisons de timing, nous serons déjà accompagnés de l’équipe
vidéo et photo qui doit nous aider à retranscrire en images cette
aventure. La pression de réussir chaque vol, chaque tentatives se
fait encore un peu plus importante.
Dans
l’équipe nous pouvons compter sur les frangins Boris et
Pierre-Emilio, qui voleront ensemble et réaliseront les prises de
vues vidéos, avec Boris au pilotage et Pierre-Emilio derrière
l’objectif ; sur Manon et Alexandra pour le biplace photo, ainsi
que sur Hugues et Julien comme pilote pour les parapentes servant de
base à nos cascades.
Pendant
trois jours nous enchaînerons, en pleine canicule, quatre à cinq
vols par jours, avec à chaque fois pas moins de quatre parapente
biplace à gérer en l’air: un biplace vidéo, un biplace photo et
deux biplaces sur lesquels se déroulent les acrobaties.
C’est
Eliot qui définit à chaque fois le plan de vol de tout ce beau
monde, essayant d’anticiper les positions de chacun en fonction du
poids et du matériel, pour qu’équipes photo et vidéo ne se gênent
pas et que les deux biplaces-cascades soient bien placés par rapport
au décor, pour faire de belles images.
En
terme d’installation, deux cas de figures se présentent:
1) Lorsque Eliot effectue une de ses cascades, tyrolienne ou pendulaire,
il décolle avec Hugues, tous deux sous le même biplace. Julien,
lui, décolle seul, avec la corde rangée dans un sac accroché à la
sellette du parapente.
En
l’air, Julien laisse pendre la corde sous son parapente, et le
binôme Hugues-Eliot se charge de la récupérer.
S’il
s’agit d’un pendulaire, la corde est directement attachée au
Direct-Bag, Eliot se largue ensuite du biplace, effectue un immense
pendule sous le parapente de Julien, avant de laisser sa voile sortir
du Direct-Bag.
Pendulaire avec le Direct-bag |
2) Lorsque j’effectue une acrobatie, je décolle avec Eliot en biplace
pendant qu’Hugues ou Julien décolle seul, avec la sangle ou la
corde, selon que j’essaie de marcher sur la slackline ou que je
fasse une tyrolienne, rangée dans un sac accroché à la sellette.
La connexion entre les deux parapentes s’effectue ensuite de la
même manière qu’avec Eliot, et ensuite c’est parti !
Par mesure de sécurité toutes les installations sont largables, ce qui signifie que si, une fois les deux parapentes connectés par la corde/sangle, quelque chose vient à mal se passer, il suffit de larguer l’installation pour que la situation revienne à la normale.
Au
terme de ces trois jours, Eliot aura réalisé tous ses projets sans
encombres et j’aurais pu faire six nouveaux essais sur la
slackline, portant à dix le nombre total de tentatives.
Et
en dix essais, ma meilleure performance aura été de réussir à
faire un pas, et à tenir six secondes debout en équilibre. Les
progrès sont lents, mais les conditions en l’air sont chaque fois
différentes ce qui complique la progression. De plus, le fait de
n’avoir qu’un essai par tentative n’aide pas. Effectivement,
une fois debout sur la sangle, il est extrêmement difficile de se
rattraper à la ligne lors d’une chute.
Après
trois jours aussi intenses, il ne nous restait plus que deux vols a
effectuer pour boucler le projet et le tournage.
Et
c’est juste avant le décollage du deuxième et dernier vol qu’une
mauvaise nouvelle nous tombe dessus. La voiture a été cambriolée,
et les voleurs sont partis avec une grande partie du matériel vidéo,
les ordinateurs et tous les disques durs comprenant vingt ans d’image
pour Eliot, ainsi que toutes les images tournées ces trois derniers
jours.
D’abord
sous le choc, puis complètement dépités, nous avons d’abord
pensé tout laisser tomber Eliot devait retourner s’entrainer pour
les compétitions à venir, je devais retourner en montagne, les
copains n’étaient plus forcément disponible, tout semblait nous
inciter à passer à autre chose.
Mais
après quelques jours de repos, une fois les idées remises en place,
Eliot me rappelle. Finalement, on repart tourner toutes les images
perdues. La rage de s’être fait voler le fruit de notre travail
l’a emporté sur les emplois du temps chargés.
Les
amis présents lors du premier round ont presque tous répondus
présents, et nous sommes retournés passer trois jours absolument
inoubliables dans les airs.
Et
vous savez quoi? On a fait encore mieux que la fois précédente et Julien a bien du payer sa tournée!
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